On commence par l’ouvrier du chantier du nouveau stade en construction qui pisse contre le poste sécurité de la SETRAM (entreprise gérant les transports au Mans). Puis, le tram arrive et je rentre.

Il reste 5 minutes avant le départ. Je verrouille la roue arrière de la bicyclette et m’installe contre mon vélo afin de l’immobiliser. Comme d’habitude, j’ai changé la poche où je mets ma carte de transport, difficile de la retrouver : ça fait marrer l’ouvrier qui me regarde avec son œil malin (malin, j’ai dit ?).
Arrive notre prochain candidat. C’est bizarre, il n’arrête pas de marmonner quelque chose. Du coup, je cherche son oreillette de téléphone mobile ou son câble mains-libres : et non, il n’y a rien. Puis, il sort du tram toujours en marmonnant, marmonne dehors puis reviens 3 minutes avant le départ, traverse le tram en marmonnant, puis ressort, puis rentre 1 minute avant le départ et se fixe finalement à un point précis et ne bouge plus. De son parcours agité, j’ai entendu « MSB » (équipe de Basket de la ville), « salopards », de multiples soupirs, « quel connard » et je vous en passe. Cela ne m’a pas permis malgré ma très grande concentration de reconstituer l’histoire.
Le tram démarre et s’engouffre sous le pont qui traverse la route puis file vers le prochain arrêt. Surgit le suivant, qui dans un autre genre n’a pas manqué de retenir toute mon attention. Il ne regarde personne, le regard fuyant, puis une fois les portes fermées pour repartir, met ses mains devant lui et les utilisent pour faire le tour des portes sans les toucher. Du domaine surnaturel pour cette fois, je suppose qu’il bénissait les portes où avait peut-être dans les mains un pouvoir de les verrouiller … ah ou mieux, il projette un antibactérien magique, ce serait très utile ;)  je n’en saurai pas plus hélas. Par la suite, ce monsieur sûrement contacté par les extraterrestres traversera le tram deux fois dans sa longueur sous les yeux ébahis des voyageurs.
La suite du trajet fût plutôt normale. Deux alcooliques qui débarquent et qui parlent fort et titubent, Marie est toujours cramponnée à son vélo et aux barres de maintien. Puis enfin, notre adolescente qui rencontre sa Grand-Mère. Mamie lui demande comment va Etienne, son ptit chéri. Notre adolescente répond sur un ton exprimant sûrement une petite part de tendresse et de féminité « Oh, cré ben diou, je lui ai filé une torgnole à celui-là, i m’cassait les couilles, j’te l’ai viré à coups de pieds dans le derche, crois moi qu’il va point revenir » (ça fait plaisir de voir que les jeunes s’intéressent au patois sarthois, vraiment). Mamie, à peine choquée, lui dira « oh ben ma foi, si c’est pas celui-là, ce s’ra un autre ma ptite », oui, c’est bien possible, pensais-je en riant intérieurement. Je restais bouche bée de voir une telle harmonie inter-générationnelle.
La deuxième moitié du trajet sera calme et banale, je descends du tram avec le sourire aux lèvres. Les autres soirs m’ont réservé le même type de rencontres, un régal, n’est-il pas ? Enfin, tout va bien tant qu’on laisse mon vélo et moi tranquilles, en fait.